À la demande du Premier ministre et orchestré par BPI France, une entreprise créée par une ou plusieurs femmes a été sélectionnée par département français, outre-mer compris dans le but de les réunir à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. L’objectif de cette mise en avant était de valoriser l’audace et l’entrepreneuriat féminin. Les attentionnée, l’agence dont je suis la co-créatrice a gagné le concours et c’est ainsi moi qui représentait le département du Cher (18 – Région Centre-Val de Loire)
Déplacement (en fauteuil roulant) exceptionnel
101 cheffes d’entreprises et porteuses de projets ont donc été rassemblées les 7 et 8 mars dernier à Paris, pour vivre des moments forts sur les thèmes de l’entrepreneuriat, de la solidarité et de l’égalité des genres. Deux journées riches d’ateliers, conférences, rencontres, témoignages, etc. qui se sont achevées par un accueil à Matignon par
- Gabriel Attal, le Premier ministre,
- Olivia Grégoire, Ministre déléguée chargée des Entreprises, du Tourisme et de la Consommation
- Aurore Bergé, la Ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les Discriminations.
J’étais la seule de tout le panel féminin présent à être en fauteuil, ce qui témoignait d’une vérité assez criante sur la place du handicap dans la société actuelle. Mais si j’étais la seule à ne pouvoir me tenir debout, je n’étais pas la seule qui partage ma vie avec le handicap. Là une nana en béquilles, là une qui a des troubles de la parole, là encore une dont la fille est née avec une malformation à la jambe. On a beau penser que le handicap est une exception dans les règles, il est en fait bien plus présent qu’on ne le croit c’est un fait. Mais revenons-en à cette expérience qui fut la mienne il y a de cela quelques jours.
Notre hébergement ainsi que nos trajets depuis nos départements ont été entièrement pris en charge financièrement comme logistiquement parlant par BPI France et le Gouvernement, aussi n’avions-nous qu’à suivre les directives, zéro charge mentale ou presque. J’ai été agréablement surprise de recevoir plusieurs coups de téléphone pour régler les détails liés à ma situation. Prendre le train n’aura jamais été aussi facile pour moi : j’ai été parfaitement prise en charge par le service d’assistance en gare, qui était quant à lui, prévenu et au taquet. À mon arrivée à la capitale, un chauffeur avec un van adapté m’attendait et se mettait à ma disposition tout le temps de mon déplacement. Ah si ça, ça n’est pas royal !
Faux départ
Le premier jour nous avions toutes rendez-vous au siège de la Caisse d’épargne : à peine descendue de mon carrosse, des rampes étaient déjà en train d’être mises en place pour me faire monter les deux paires de marches à l’entrée du bâtiment. Je récupère mon badge « officiel », mes petits goodies, je suis prise en photo et je suis amenée dans une petite pièce vide avec un écran géant à l’intérieur. Étonnant. Je mets bien quelques minutes à comprendre la situation et analyser ce qui m’a été vaguement expliqué : l’auditorium dans lequel se passe les interventions, présentations et conférences… n’est pas accessible ! Me voilà donc à les regarder en direct sur un écran, toute seule dans mon coin, si j’avais su j’aurais dormi plus longtemps et pris le train plus tard qu’à sept heures du matin !
Peu avant le déjeuner, je m’intéresse à l’accessibilité d’éventuelles toilettes. Là encore mauvaise surprise : vieux bâtiment, portes trop étroites, je me retrouve au sous-sol à slalomer entre les poubelles de papiers pour atteindre des WC dans lesquels je rentre mais dont je ne peux fermer la porte. Obligée donc de me sonder cette dernière grande ouverte, en demandant à la personne qui m’y avait mené de « faire le guet ». Bon. « Excusez-moi, on n’avait pas vraiment prévu… » Prévu quoi ? Que parmi 101 femmes venues de toute la France il ne pouvait pas y en avoir au moins une en fauteuil ? Quel dommage…
L’après-midi, les salles des ateliers auxquels j’assiste sont accessibles, je bois peu m’ayant assurée que le lieu dans lequel nous étions attendues en fin d’après-midi était accessible, toilettes comprises. À 19h quand j’arrive à la péniche qui nous accueille pour la soirée, la première chose que je fais est donc non pas de m’émerveiller de ce beau bateau mais bien d’aller y faire pipi !
Facilités désarmantes
La suite s’est passée sans encombre, mon chauffeur était présent pour tous mes allers et venues prévus dans mon programme, l’hôtel respectait les normes en vigueur et le matin du deuxième jour nous nous trouvions dans les locaux de BPI France, plus récents et de ce fait, bien plus adaptés !
Voici venue l’heure tant attendue de nous diriger vers Matignon. Tandis que les autres prennent le car, je continue mes déplacements de princesse en van personnel. J’arrive la première sur place et profite donc pleinement de ma présence solo pour prendre des photos, conscientiser ce que je vis et… m’interroger sur la façon dont il était prévu que je passe de la cour à l’intérieur du bâtiment.
Comme la réponse m’est venue dans l’action, je vous la montre telle que je l’ai découverte :
Est-ce que j’ai eu l’impression d’être à Disneyland et d’emprunter des passages secrets ? Exactement ! Pour la suite, une fois à l’intérieur tout était plat, chaque porte avait deux battants et mesurait plusieurs mètres de haut donc je ne risquais pas de me retrouver coincée ! Les personnes qui étaient là étaient prévenantes avec moi, me demandaient avant de m’imposer quoi que ce soit et ce fut très agréable de sentir ça comme étant fluide et relativement normal. Lorsque les ministres étaient là avec les journalistes et les 100 autres entrepreneures, les pièces ont vite été remplies et je suis passée aussi inaperçue dans la masse que n’importe laquelle des autres filles. Ça m’a fait ressentir un mélange de déception et de soulagement en fait. D’un côté mon handicap ne me permettait pas d’être à part et donc remarquée ce dont je n’avais pas ou plus l’habitude, de l’autre j’étais comme n’importe qui, femme anonyme présente pour une cause qui nous rassemble et fait de nous une seule et même entité.
Leçon retenue
C’est d’ailleurs ça que j’ai finalement gardé de ces deux journées exceptionnelles : cette capacité des femmes à se réunir, à se serrer les coudes, à s’entraider. Nous avons compris, intégré et mis en application qu’ensemble, nous allons plus loin. Tout simplement.