L’une des questions qui revient souvent lorsque je parle du fait que je suis en fauteuil depuis dix ans, est « Est-ce que tu trouves que ça s’est amélioré ? »
Déjà c’est quoi « ça » ?
La vulgarisation de notre langage fait que le mot « handicap » est censé rassembler des profils extrêmement différents les uns des autres. Seulement les conditions de vie d’une personne qui a une paraplégie, ne seront pas les mêmes qu’une personne qui porte une trisomie 21 par exemple. Mes besoins voire mes exigences en tant que tétraplégique incomplète s’éloignent totalement des besoins et exigences de quelqu’un qui est aveugle. Ce que j’écris paraît aussi évident que le nez au milieu de la figure, pourtant lorsque l’on parle de lois, d’accessibilité, d’adaptabilité, d’avancées (ou non), on attend de moi que je donne une réponse globale. Je vais donc être claire dès à présent : cette réponse globale tant attendue n’existe pas.
D’un côté, il y a plus de communication, de l’autre nos droits n’avancent que miette par miette à des intervalles de temps qui donnent envie de s’arracher les cheveux. Je trouve que la visibilité et la banalisation commencent tout doucement à porter leurs fruits car je vois du handicap montré de façon tout à fait naturelle et juste, c’est-à-dire comme faisant partie intégrante de la diversité humaine. C’est ainsi que j’ai découvert la dernière publicité Amazon et que j’ai lâché un sincère « trop cool ! » à la fin.
Mais d’un autre côté il y a encore des aberrations d’accessibilité qui me dépassent et ne me paraissent pourtant pas si extraordinaires à palier. Des lieux inaccessibles indispensables à la vie quotidienne ou même à la citoyenneté ou à l’éducation de chacun (mairies, écoles, postes, etc.)
Pourquoi est-ce que la ville dans laquelle j’habite, au lieu de dépenser une somme astronomique à refaire une place d’office de tourisme qui n’était même pas en mauvais état, n’a-t-elle pas accordé des aides financières aux commerçants et restaurateurs qui souhaitent être accessibles mais n’en ont pas les moyens ?
L’espoir persiste !
Maintenant, lorsque je vois des cafés qui emploient des hommes et des femmes porteurs de trisomie, lorsque je vois Disney présenter un personnage principal de série porteur de trisomie, lorsque je vois Barbie sortir une poupée porteuse de trisomie, ça me rend heureuse. Oui ce sont des avancées, oui il faut les saluer et oui, il faut s’en réjouir.
Des fauteuils remboursés à 100% ? Le gouvernement nous fait là une bien belle promesse qui assure encore des heures de paperasse à remplir parce qu’autrement, il y aura des débordements. Il y aura toujours des êtres humains pour prendre le bras quand on leur tend la main. Mais des efforts sont faits, des propositions sont données : nous ne sommes plus tant ignorés que cela !
N’oublions pas non plus l’AAH qui est maintenant calculée sur nos revenus propres et non plus sur ceux du conjoint : une victoire tardive mais magnifique dont je vous parlais dans un autre article [ici].
Tout ceci étant dit, la trisomie, l’AAH, les fauteuils, sont des points qui ne concernent pas tous les handicaps n’est-ce pas ? Alors oui, ce sont des avancées, chacune dans son sujet. Seulement encore une fois, une personne aveugle qui gagne convenablement sa vie, et bien la pub Amazon, les nouveaux droits liés à l’AAH ou le remboursement du fauteuil, ça n’a que peu d’impact sur son quotidien à lui…
Sa réponse à l’évoqué « est-ce que « ça » avance ? » ne sera certainement pas la même que la mienne, que celle d’Aurélie ou que celle d’Anthony parce que chaque handicap est particulier, chaque humain reste unique.
Facebook, vitrine de la diversité d’opinions
Pour appuyer mes dires, il vous suffit d’aller voir la publication Facebook du journal Le Monde par exemple, qui titre « Handicap : 1,5 milliard d’euros pour renforcer l’accessibilité et fauteuils roulants remboursés à 100 % dès 2024, annonce Emmanuel Macron ». Jetez un œil aux commentaires et soyez prêts à voir les avis diverger, les gens s’insulter parce que « c’est moi qui ait raison d’abord ».
Il y a ceux qui se réjouissent, il y a les blasés, les méfiants, les impatients, les insatisfaits et bien sûr les je-ne-suis-pas-concerné-mais-je-donne-mon-avis. Ces derniers qui accusent les personnes en situation de handicap de n’être jamais contentes de ce que l’on veut bien nous accorder. Je suis partisane d’être heureux de ce que l’on possède déjà et de fêter chaque petite victoire, mais je comprends aussi ceux qui ont attendu des années pour obtenir un droit que les « autres » dits « valides » ont de naissance parce qu’ils font partie de la norme qui va bien.
Alors ? Est-ce que « ça » avance ? Oui. Non. Peut-être. 2024 ?