En tant qu’handi accidentée, et avec les activités de blogging et de conférencière que j’ai menées, un adjectif m’est souvent attribuée : courageuse. Mais mon récent retour à l’hôpital me convainc, lui, du contraire.
Je ne nie pas être une personne qui, effectivement, a vécu des moments difficiles et les a surmontés. Seulement je ne suis pas sûre de vouloir parler là de courage. Je dis souvent avec un sourire en coin que c’était plutôt de l’instinct de survie lorsque j’ai dû apprendre à vivre en fauteuil. Certes j’aurais pu me laisser aller, laisser tomber, baisser les bras, ce que je n’ai pas fait. À mon sens, c’était avant tout une forme d’ambition : je souhaitais de toutes mes forces que ma vie ne ressemble pas à « une vie d’handicapée » mais bien à une vie considérée comme étant normale ou presque.
Opération et remise en question
Cet été, j’ai subi une opération que j’ai choisi d’avoir en pleine conscience, que j’ai programmée avec les différents médecins que j’ai vus à ce sujet. Était-ce du courage ? Ou était-ce juste de l’ambition ? Un choix tactique pour « un avenir meilleur », un quotidien plus confortable, un rapprochement vers cette soi-disant normalité – comme si elle existait – bref, n’ai-je pas fait là quelque chose d’égoïste où certes, j’ai vécu un sale moment, mais qui en valait la peine ?
Parce que oui, j’ai vécu un sale moment. Et c’est ça également qui me fait dire que je ne suis pas tant courageuse que certains voudraient le croire, j’y reviendrai. J’ai été opérée un mardi, ré-opérée le lendemain à cause de complications (deux anesthésies générales pour le prix d’une en moins de 48h, c’est cadeau !) et suis restée à l’hôpital les dix jours qui ont suivi. Comme il s’agissait de toute la partie vessie/fin d’intestin, j’ai eu le droit à l’instrument du diable numéro un : la sonde naso-gastrique (qui va du nez à l’estomac et qui m’a nourrie durant cinq jours). Je vous passe les détails, croyez-moi simplement sur parole, elle fait mal. Très mal. Un gros tuyau dans le nez c’est déjà particulièrement gênant, mais quand une partie se trouve dans la gorge et se rappelle à votre bon souvenir chaque fois que vous déglutissez… Je vous laisse imaginer !
L’enfer et ses instruments insoupçonnés
Et pour que je vous parle de l’instrument du diable numéro un, vous vous doutez bien qu’il y en a au moins un deuxième ! Non je ne vous parlerai pas des jouets pour bébé en plastiques qui crient la même affreuse mélodie encore et encore, ce serait totalement hors-sujet bien que justifié. Non, afin de rester dans la thématique qui est la mienne, je vous prierai d’accueillir sous un tonnerre d’applaudissements : la sonde urinaire à demeure (tadaaaa). Oui je sais certains penseraient « Oh bah ça va, à cet endroit-là elle ne doit plus sentir grand-chose ! » Que nenni ! Pour beaucoup de para et tétraplégiques c’est le cas, et c’est l’une des rares fois où je les ai presque enviés. Parce que moi, ayant récupéré toutes mes sensations, je peux vous dire que j’ai douillé. Un tuyau sortant du méa (qui n’est pas fait pour être ouvert sans discontinuer) c’est douloureux, et dès que je bougeais ça m’irritait un peu plus. Dès.Que.Je.Bougeais… ALORS QUE JE SUIS SPASTIQUE !
Or vous savez comme « fonctionne » la spasticité ? Par épine irritative. Quelque chose me fait mal, me chatouille, me brûle, que sais-je et paf ! Un mouvement incontrôlé de l’une de mes jambes se fait. Vous voyez se dessiner le cercle vicieux et infernal que j’ai dû supporter ? Avec la sonde urinaire qui me faisait mal, ça me donnait des spasmes. Comme j’avais des spasmes ça tirait sur le tuyau et ça me faisait mal, et comme ça me faisait mal j’avais un spasme. Égal douleur, égal spasme, égal douleur et ça n’en finit pas. Pendant douze jours. Et joyeux mois de juillet !
Faire comme on peut, de son mieux, aujourd’hui comme hier
Le courage dans tout ça ? N’est-ce pas un peu d’inconscience ou de naïveté plutôt ? Je savais que je devais me préparer à vivre une période désagréable mais certes pas à ce point-là. Je ne savais pas que j’aurais mal tout le temps, jour et nuit, durant douze interminables jours ! Peut-on réellement l’imaginer ?
Je n‘ai pas été courageuse. Je me suis sentie misérable, et je suis en paix avec ça. J’ai pleuré très souvent. Chaque matin lorsque je me rendais compte que ça n’était pas le dernier à vivre cette situation, chaque soir lorsque le proche venu me soutenir repartait.
Ce qui est drôle c’est que je me souviens avoir écrit un article sur mon blog il y a longtemps qui justement s’appelait « Je ne suis pas courageuse, il faut pleurer. » Si je devais le réécrire aujourd’hui, je l’intitulerais plutôt : Je ne suis pas courageuse, chacun fait de son mieux.