La semaine dernière, l’une de mes amies m’envoie un message pour me demander si mon livre existe en version audio. Ce n’est pas le cas à mon grand regret, néanmoins la raison de cette question m’intrigue.
Il se trouve que son cousin a eu un grave accident de voiture, qu’il n’est pas en capacité de lire et qu’il est dans un état tant physique que psychologique très bas : d’où l’intérêt qu’elle trouvait à lui partager mon témoignage, histoire de lui donner de l’espoir quant à la suite.
Une incertitude si habituelle…
Il est à l’hôpital, il ne le sait pas encore mais il n’en est qu’au tout début d’un très long chemin. C’est difficile de le savoir à ce point, de la ressentir à ce point. Mon empathie, déjà bien présente en temps normal, se trouve décuplée par la connaissance exacte et profonde de ce qu’il est en train de vivre.
Les médecins refusent de donner un diagnostic réel parce qu’à la base, déjà, c’est à peine s’ils espéraient qu’il se réveille. Il l’a fait. Bon. Étape suivante. Certaines choses ne fonctionnent plus, trop de choses, mais ça pourrait revenir. Peut-être. Ou peut-être pas.
Et à l’instar de mes parents en 2013, les siens relaient les infos qu’ils reçoivent eux-mêmes au goutte à goutte. Il ne pourra plus jamais remarcher, ou peut-être que si mais il y a peu de chances. Ou il y a des chances mais ça va prendre du temps et de l’énergie… Bref, le corps fait ce qu’il veut, bien plus que ce qu’on l’on croit.
Je comprends mais je ne me sens pas forcément légitime de « ramener ma science » à des gens qui ne me connaissent pas et qui sont en plein cauchemar trop réel. C’est difficile de trouver le juste milieu entre la délicatesse et l’annonce de faits.
Oui mais quels faits ?
Que s’il n’y a pas de diagnostic possible, alors c’est à lui de décider du sien. Que si le corps est capable de beaucoup, il ne peut pas le faire seul. Que si dans sa tête il décide que ça ira, qu’il se remettra, ce ne sera pas de la naïveté mais de la motivation pour cette machine qui doit se battre mais, encore une fois, pas seule. Qu’aussi cliché que ce soit à dire, ça a bien une part de vérité : plus tu vises haut, plus tu as de chance d’atteindre le plus loin qu’il te sera donné d’atteindre même si ça ne paraît pas assez par rapport à l’objectif.
Je suis tentée d’écrire que si la vie a décidé de rester en lui alors que ce n’était une évidence pour aucun médecin, c’est bien qu’il a encore des choses à y faire. Appelez-ça le destin si vous le voulez, d’autres l’appelleront Dieu ou d’autres encore le hasard : pour moi cette survie est une chance à prendre, à cultiver et à transformer en quelque chose qui fera se dire « ça a été dur, je m’en serais passé, mais je m’en sors à merveille et je suis content d’être encore de ce monde.»
Utopiste ? Non. Optimiste. Ça ne fonctionnera peut-être pas. Mais c’est quoi le plus facile à votre avis ? Avancer en se disant que ça n’ira jamais, ou avancer en regardant loin devant et en choisissant de chérir le simple fait que l’on avance ?
Il est à l’hôpital, il ne le sait pas encore mais il n’en est qu’au tout début d’un très long chemin. Et ce n’est pas n’importe quel chemin, il touche à la survie. C’est partir à la recherche de la moindre de ses ressources, c’est aller en quête d’autonomie primaire, d’indépendance. Ce sont des hauts et des bas qui ressemblent davantage à la pire montagne russe du monde qu’au petit cahots des routes de campagne. C’est se sentir anéanti, perdu, seul, laid, incapable, fini… et c’est trouver la force en soi de passer au-delà !
Que le temps te soit favorable
Il y a un point sur lequel je n’ai rien eu à dire, quasiment. Parce que c’est un point qui m’est inconnu : il a perdu la mémoire sur les quelques dernières années qui ont précédées son accident. Pour se le figurer c’est simple : imaginez, demain vous vous réveillez et nous sommes le 27 avril 2018. Tout ce qui a existé entre 2018 et aujourd’hui ne figure plus dans votre tête. Ni les gens, ni les éventuels jobs exercés ou diplômes obtenus. Si sur le papier vous avez 22 ans en 2023, que vous avez terminé vos études et êtes salarié par exemple, et bien vous vous réveillerez en étant persuadé que vous êtes sur le point de passer votre BAC. Si sur le papier vous avez 36 ans en 2023, que vous êtes mariés depuis quatre ans et avez un enfant de trois ans, vous vous réveillerez en ne sachant même pas qui est ce petit être qui vous appelle « maman » ou « papa ».
Quelques années. Quatre ou cinq, même six. Ça paraît si court dans une vie. Mais il peut se passer tant de choses auxquelles on ne fait finalement pas assez attention. Faites la liste des personnes que vous avez rencontrées ces cinq dernières années, des évènements que vous avez vécus. Il y a de quoi s’inquiéter oui. Alors, est-ce que ça reviendra ? Je vous renvoie au premier paragraphe de cet article…