Depuis 2019, une partie des recettes générées par les radars permettent de financer certains centres de rééducation et d’améliorer la prise en charge des blessés de la route.
Un meilleur équipement face au handicap
C’est ainsi que de plus en plus de structures peuvent se targuer de posséder de nouvelles technologies tel que l’exosquelette pour prendre en charge leurs patients. Et ça ne peut être que bénéfique : ma propre expérience de ce genre d’engin a été très positive et bien que loin du miracle, ça reste un outil de travail absolument formidable car complet. Il aide à l’analyse et au renforcement du schéma de marche qui peut être oublié par un corps dans l’incapacité de l’accomplir seul. Couplé à de la réalité virtuelle et beaucoup de persévérance de notre part, nous pouvons court-circuiter notre cerveau de façon à lui faire croire que « nos jambes fonctionnent », si bien qu’il finira par faire le travail de reconstruction deux fois plus efficacement. C’est évidemment une image très simplifiée de la réalité, mais l’idée est là.
Maintenant je vois re-fleurir ici et là des articles de journaux titrés grossièrement avec le mot « miracle » et une promotion d’une soi-disant science-fiction devenue réalité, j’ai eu envie de revenir dessus à l’occasion de cette nouvelle année.
« Les incroyables promesses des nouveaux exosquelettes : Leader mondial de la robotique dynamique appliquée aux exosquelettes de marche, Wandercraft s’apprête à commercialiser un nouvel équipement qui ouvre d’incroyables perspectives » Le Berry Républicain – 27 décembre 2023
Le futur, ici et maintenant ?
Je suis toujours très frileuse à la lecture de tous ces éloges. Certes la technologie ne cesse d’avancer et cette évolution a encore de beaux jours devant elle. Cela dit il me semble indispensable de conserver la tête sur les épaules : optimiste oui, mais aveugle non. Je m’explique. Quand le cofondateur de Wandercraft évoque le fait de pouvoir courir dans les escaliers ou se faufiler dans une foule avec un exosquelette comme étant une « quasi » réalité, j’ai comme un sourire en coin qui se dessine. Car la suite du discours est bel et bien équivoque : pour provoquer une marche réelle et fonctionnelle il ne faut pas moins de douze moteurs. Je doute que ces moteurs soient à ce point légers et discrets que l’on puisse, je cite, « se faufiler » ni même courir « comme si » de rien n’était. Et ce doute est confirmé lorsque je regarde l’exemplaire de démonstration d’exosquelette personnel que l’entreprise a présenté à New York le 15 décembre.
La seule chose qui ravive mon espoir d’une solution plus concrète qui puisse voir le jour avant que je ne sois trop vieille pour en profiter, c’est l’Intelligence Artificielle. L’IA facilite les tests, les calculs, les simulations, etc. Maintenant est-ce que la commercialisation pourra être faite de façon à la rendre accessible équitablement, ça me semble presque impossible à l’heure actuelle.
Mais revenons sur le terme de miracle, je tiens à le mesurer. Le miracle serait d’effectivement avoir accès à un matériel suffisamment évolué, léger et financièrement abordable qui nous permettrait de passer moins de temps dans un fauteuil roulant. Mais n’oublions pas que ce matériel n’est pas notre corps, il n’est pas nos muscles.
Les limites du corps d’être vivant
Il m’arrive parfois de sentir mes jambes incapables de me tenir lorsque je me verticalise en kiné, parce que je leur en ai trop demandé avant et qu’elles n’ont pas la capacité physique de supporter ces sollicitations. Lorsque je faisais des séances de travail avec l’exosquelette, j’étais incapable de dépasser les vingt minutes d’effort car l’énergie demandée était trop intense. Aujourd’hui on pourrait dire que c’est par manque d’habitude ou d’exercice, et ce serait vrai… Mais à l’époque, la rééducation était ma vie quotidienne. Je ne me ménageais pas et ce depuis des mois et des mois donc non, je n’aurais certainement pas pu être au mieux de ma forme qu’alors.
Une personne paraplégique ou tétraplégique aura beau tout donner, s’entraîner, persévérer, l’absence de certaines terminaisons nerveuses est un fait qui ne pourra jamais être pallié par un élément extérieur au corps. Ce serait comme mettre un bébé dans un exosquelette avant qu’il ne soit formé physiquement pour commencer à marcher. C’est un « forcing » qui ne donnerait certainement pas que de bons résultats, au contraire !
Est-ce que j’espère me tromper ? Bien sûr ! Mais est-ce que je pense aussi qu’il est trop tard pour ceux qui sont en situation de handicap depuis longtemps comme moi ? Oui. Puis, une question assez naïve me vient : pourquoi mettre autant d’argent à inventer un objet pour soulager une conséquence plutôt que de le mettre à résoudre la cause même ? Je sais que ce n’est pas du tout le même secteur d’activité mais ne serait-ce pas plus formidable de trouver un moyen de reconstituer les terminaisons nerveuses et de « réparer » les corps plutôt que de tout mettre dans un moyen de vivre avec ce même corps encore défectueux ? C’est comme mettre un tableau devant un trou sur le mur plutôt que de reboucher le-dit trou. Quoi que l’on mette devant, le trou sera toujours non ? Qu’en pensez-vous ?