Il y a quatre mois, Marcel et moi avons adopté un chien, nouveau membre de la famille. J’ai toujours aimé cet animal, j’ai grandi avec. Ado j’ai même travaillé dans un refuge et adulte, été animatrice sur des colonies de vacances sur la thématique des chiens. Seulement depuis mon indépendance, deux choses me freinaient à en accueillir un dans mon quotidien. Le fauteuil et tout ce que ça implique, ainsi que mon mode de vie (en appartement, à voyager constamment…).
Le handicap, cette hésitation pour tout
Et oui, dans la vie d’une personne en situation de handicap, toute décision pouvant impacter le quotidien demande une réflexion plus longue. Comme il s’agissait là d’une question impliquant un être vivant en plus, il s’agit de se montrer responsable et raisonnable. Or, seule en fauteuil, des inquiétudes persistaient sur les balades lorsqu’il pleut ou neige par exemple. Sur les cas d’urgence aussi et sur l’éducation. Même si je n’aurais pas choisi un jeune chien, je sais pertinemment que je n’aurais pas non plus voulu d’un petit chien. Donc qui dit chien de moyenne taille dit un peu moins de praticité dans certaines situations c’est certain. Gérer un chat c’était ok, je m’en étais très bien sortie, mais le niveau de dépendance du dessus que représente le chien, je n’étais pas sûre d’en être capable.
Et puis mon mode de vie de baroudeuse, mon espace de vie également… ne rendaient pas l’idée ne serait-ce qu’envisageable, je ne développe pas en espérant que vous comprenez de quoi je parle !
Et les chiens d’assistance ?
La solution de facilité aurait effectivement été d’entamer des démarches pour obtenir l’immense privilège que l’on me confie un chien d’assistance. Mais là encore, il n’en a même pas été question une seule seconde. Il est très long d’éduquer un chien d’assistance et c’est pour cela qu’il n’en sort pas cinquante tous les mois des écoles dédiées. En proportion au nombre de personnes en situation de handicap, ils sont finalement rares. Ajoutons à cela que je n’avais nul réel besoin des compétences de ces animaux extraordinaires, il aurait été d’un incroyable égoïsme de prétendre à l’acquisition de l’un d’eux (ça n’aurait d’ailleurs sûrement pas abouti !)
Changement de vie, nouveau choix
Et puis il y a eu le covid qui a calmé mes envies de voyage, ma relation avec Marcel qui a même réussi l’exploit de me poser vraiment. En l’espace d’à peine deux ans, je suis passée de seule en appartement à en couple dans une maison… avec jardin. La question du chien est donc revenue dans mon esprit à peine avions-nous réparti nos cartons dans notre nouveau chez-nous. Heureusement pour moi, Marcel n’a émis aucune opposition, bien au contraire : il allait, lui, réaliser un rêve de gosse ! Deux mois après notre emménagement, nous voici donc à surveiller les sites internet des associations d’animaux et à écumer les refuges de la région. Nous voulions d’un chien abandonné pour lui offrir une famille, et c’est ainsi que nous sommes finalement tombés sur notre crème de loup. Rescapé de l’équarissage en Roumanie, arrivé en France à huit mois, il a fait plusieurs familles d’accueil avant d’atterrir, sept mois plus tard, dans notre foyer.
En fauteuil, l’adaptation continue
Je reste persuadée qu’il n’y a pas de hasard, que le chemin de chacun se construit brique par brique, comme des pièces biscornues et parfois improbables qui, mises ensemble, forment un tout. Chien est l’une des pièces de mon chemin et de celui de Marcel. Comment expliquer qu’il soit à ce point si parfait… pour nous ! Par rapport à notre vie, notre relation, nos habitudes, nos personnalités, il correspond à 100% à ce que l’on est et je suis intimement persuadée que nous n’aurions pas pu trouver mieux ! Je lui trouve même beaucoup de similarités avec Chat et ils s’entendent d’ailleurs bien. Ils ont le même « défaut » de gourmandise et ça nous oblige à être encore plus vigilants et ne rien laisser trainer de comestible.
C’est un jeune chien certes, mais il ne m’a jamais bousculée : si d’excitation il met ses deux pattes avant sur mes genoux, ça n’est pas de façon brusque. Il a vite assimilé le « pousse-toi » quand il est couché au milieu du couloir et que je veux passer. En balade, il n’a pas encore parfaitement acquis le rappel, alors pour l’instant je le garde en laisse. Quand je suis en fauteuil manuel j’ai une ceinture et lui a son harnais, quand je suis en fauteuil électrique (lorsque je veux l’emmener dans les champs ou sur des terrains moins plats) la laisse est attachée à mon accoudoir et je le dirige pour travailler le « au-pied » sans qu’il se colle trop aux roues. Il monte déjà en voiture tout seul sans soucis et sait rester à sa place avec sa petite ceinture spéciale.
Les limites c’est dans la tête ?
Il y a peu, Chien s’est blessé à la tête et il a fallu lui faire des soins tous les jours pendant une semaine. C’est Marcel qui s’en est chargé parce qu’au début, Chien avait peur et il fallait lui mettre la muselière, lui faire une prise de catch pour l’immobiliser et résister à ses cris d’inquiétudes. Au fil du temps il a compris que ça ne lui faisait pas mal et, au contraire, que c’était cool parce qu’on s’occupait de lui, du coup aujourd’hui quand Marcel sort des compresses (pour moi quand je me blesse les pieds par exemple), Chien se colle comme pour réclamer des soins (dont il n’a plus besoin !) Souvent je me dis que si j’avais été seule, je n’aurais pas pu le soigner au début, et puis je me rappelle que je me sous-estime souvent, et que s’il avait fallu, j’aurais sûrement trouvé l’un de ces stratagèmes dont nous, les handi, avons le secret. Je ne dis pas que c’est okay d’avoir un chien quand on est PMR seul, parce que non, les limites ne sont pas que dans la tête. J’admets être parfois frustrée de ne pas pouvoir emmener mon chien se balader à travers les bois ou de ne pouvoir courir avec lui, et j’admets être soulagée, par moments, de laisser Marcel gérer. N’est-ce pas comme ça que ça fonctionne, des parents avec un enfant ? En équipe avec des relais ?
En conclusion, avoir un chien seule, j’en aurais été capable. Mais ça aurait été déraisonnable, crevant et encore plus frustrant. Je ne le conseille donc à aucun handi. À moins que le chien soit un vieux pépère, et encore ! Ce sont des êtres vivants, pas des jouets ou des caprices. Nous sommes partis pour en moyenne quinze ans avec Chien, et nous comptons bien lui offrir les meilleures quinze années possibles !