« L’aidant s’occupe du proche en difficulté, le soutien, l’accompagne, l’assiste, répond à ses besoins dans les activités de la vie quotidienne comme les repas, la toilette, les sorties ou encore les courses ».
Lors d’une discussion sur des sujets de désaccord avec Marcel, ce dernier a fini par sous-entendre qu’il avait parfois l’impression d’être mon aidant plutôt que mon conjoint. Ça m’a blessée, même si ce qu’il disait était faux, pour trois raisons majoritaires.
Je me suis trop battue pour mon indépendance
J’ai passé vingt-sept mois en centre de rééducation soit plus de deux ans de ma vie à me lever chaque matin dans l’unique but de continuer à gagner en autonomie. Et quand on se bat pour faire faire à notre corps ce qu’il ne sait plus faire, il n’y a ni week-ends ni jours fériés, ça représente donc plus de 820 matins et 820 soirs à espérer faire mieux, à espérer faire seule. Aujourd’hui, je suis une tétraplégique plus indépendante que certains paraplégiques et si je n’avais pas les soucis de matériels que j’ai depuis juin 2023, personne n’aurait jamais à m’aider. C’était le cas lorsque je vivais seule et que mes aides techniques ne faisaient pas des siennes.
Ça deviendra forcément le cas un jour
Mais j’ai beau avoir obtenu tout ça de moi malgré mes muscles défaillants, je sais qu’un jour je le perdrai. Je vais vieillir, je vais fatiguer et peut-être qu’effectivement quelqu’un devra être présent le matin pour m’aider à m’habiller ou à prendre ma douche. Peut-être. Et j’ai beau en avoir conscience, je n’ai aucune envie d’y penser. C’est trop dur psychologiquement. Alors si aujourd’hui Marcel trouve qu’il a un rôle d’aidant alors que la seule chose que je lui demande, car c’est la seule chose que je ne peux faire seule, c’est de me couper les ongles de pieds, qu’est-ce que sera dans un avenir lointain ?
Une preuve de confiance qui se transforme en contrainte
Parce qu’il ne faut pas mélanger cette demande qui est effectivement en rapport direct avec mon handicap, avec les demandes que je fais qui ne sont en lien qu’avec le partage des tâches quotidiennes, ou qui n’ont pour objectif que de me faciliter une action, parfois en lien avec mon fauteuil parfois non. Ce sont des échanges de services ou une organisation que tout couple a, et que mon handicap soit l’un des paramètres à prendre en compte, ne fait pas de ces gestes des gestes d’aidants. Je considère mon conjoint comme mon meilleur ami, et avec mon meilleur ami je suis en confiance, je suis moi-même, donc parfois je lâche un peu prise, je « l’exploite » avec tendresse et j’use de mon rôle de femme « qui a terriblement besoin d’aide » pour faire faire à un homme « et son envie de jouer au sauveur » des choses que je n’ai pas envie de faire.
Comme dans tous les couples.