Lorsque quelqu’un est privé de l’usage de ses jambes, les autres le regardent avec peine parce que « ce doit être difficile de ne pas pouvoir marcher. » Pourquoi entendre ce type de phrase si souvent, sans entendre en contrepartie « comme c’est beau de pouvoir marcher ! » ?
Oublier ce qui semble acquis
Ce n’est pas une fin de ne plus pouvoir mettre un pied devant l’autre, mais plutôt une chance merveilleuse de pouvoir le faire. Ce n’est pas à moi de ressentir un manque, c’est à vous de prendre conscience de ce que vous possédez. Détenir la capacité d’utiliser chacun de ses membres n’est pas donné à tous les monde, n’est pas effectif ad vida aeternam non plus.
Et contrairement au premier abord de cette phrase qui semble pessimiste voire fataliste, il faut en réalité la voir comme un élan d’optimisme. Un gigantesque verre d’eau à moitié plein, non à moitié vide.
Tchin, à la vôtre !
Je ne comprends pas les personnes 100% valides qui font quatre fois le tour d’un quartier en voiture pour trouver la place la plus près de leur destination. Augmenter le taux de Co2 dans l’atmosphère oui, mais marcher deux minutes il n’en est pas question, c’est ça ? Ces mêmes individus seront souvent ceux qui partent à l’autre bout du monde simplement pour profiter de la plage… et c’est tout. Alors qu’en soi, si c’est vraiment pour se détendre et ne rien faire, il y a de très belles plages en France. J’ai tellement été habituée, dès gamine, à partir en balade dans les forêts, en rando dans les montagnes et à revenir de vacances plus crevée que jamais, oui, mais tellement heureuse !
Réveiller la petite colère
Heureuse de m’être enrichie de tous ces paysages incroyables, de cette fierté d’être allée jusqu’à eux rien qu’avec mes pieds. De la magie que la nature revêtait lorsque je la regardais avec mes yeux d’enfant sans qu’il n’y ait rien de plus qu’elle et moi. Au collège, je me souviens que je préférais parfois rentrer à pieds à la maison plutôt que de prendre le bus, même si ça me prenait une heure.
Certains de mes meilleurs souvenirs d’été sont liés à des activités qu’aujourd’hui je ne peux plus faire. Est-ce pour autant que mes étés sont nuls ? Loin de là ! Et ça m’agace lorsque des personnes qui ne profitent même pas de ce qu’elles ont se permettent de juger ce que je n’ai pas. Dans mes moments les plus sombres, je ressens même de l’injustice : pourquoi ce ne sont pas eux qui se retrouvent dans un fauteuil, à finalement ne pas en faire beaucoup plus que lorsqu’ils étaient valides ? Pourquoi faut-il que ça me soit arrivé alors que je savais profiter de mes jambes en parcourant, en escaladant, en sautant… ?
Le hasard ou le destin peu importe, je me sens tout à fait satisfaite de ce que j’ai tout en ayant conscience de ce que je n’ai pas. Ce serait merveilleux si une personne valide pouvait voler comme un oiseau mais elle n’en a pas la capacité. Est-ce pour autant que le monde est triste ? Il ne me semble pas.