Rentabilisation et non-sens
Parce que les démarches pour l’obtenir sont pénibles et prennent un temps abominaffreux (abominable + affreux, nous remercierons papa pour ce terme inventé qu’il a intégré à mon vocabulaire dès mon plus jeune âge), chacun s’emploie à l’utiliser autant que possible une fois acquise. Comme s’il y avait quoi que ce soit à rentabiliser. Une place bleue avec le sigle handi, j’ai la carte, je m’y mets puisque j’ai le droit. Alors où est le problème ?
Depuis quelques mois, j’ai repris les séances de kiné régulières pour limiter ma spasticité au quotidien. J’y vais deux fois par semaine, dans la matinée toujours, et comme ce n’est pas à côté de chez moi je suis obligée de m’y rendre avec ma fidèle Citrouille, meilleure voiture de tous les temps.
En ce moment, quand j’arrive, une fois sur deux, la seule place réservée aux personnes en situation de handicap est prise. Je me retrouve donc à devoir me garer sur un autre parking (beaucoup plus loin !) ou dans des cas extrêmes (s’il pleut par exemple), à devoir téléphoner au cabinet pour qu’ils trouvent le propriétaire du véhicule sur la place et qu’ils lui demandent de la bouger.
« Mais j’ai la carte !»
Cette phrase utilisée comme justification, si vous saviez combien de fois je l’ai déjà entendue (et à quel point elle m’agace.) Parce que oui, bien sûr, il y a des handicaps invisibles, il y a des douleurs et des fatigues, des souffles au cœur ou des poumons abîmés, qui expliquent que la carte soit donnée et utilisée.
Mais réfléchissons deux minutes voulez-vous ?
Il y a sur le petit parking du cabinet, où travaille le kiné qui s’occupe de moi, une dizaine de places, guère plus. Nous savons que la plupart des gens qui viennent en consultations sont des gens qui ont un problème physique, que ce soit à court ou long terme. Ce qui donnerait le droit à chaque patient de s’installer sur la place handi si l’on suit le raisonnement « oui mais j’ai le droit, regardez je boîte ! » Certes. Mais s’il n’y a pas plus de dix places de parking, ça veut forcément dire que la distance entre la porte d’entrée du cabinet et n’importe quel endroit du-dit parking reste quand même courte, très raisonnable. Si tu peux faire deux pas, même si ça te fait mal, tu peux en faire quatre n’est-ce pas ?
D’accord, mais pourquoi la place me reviendrait à moi plutôt qu’aux autres ? Il existe un « classement » ? Le fauteuil gagne contre la douleur ? Pourquoi aurais-je la priorité ?
La réponse est simple : parce que le problème n’est en rien lié ici à la proximité. Je n’ai pas besoin de la place handi parce qu’elle est plus proche de l’entrée. J’ai besoin de la place handi parce qu’elle est plus large. Et oui.
Nécessité VS préférence
Une personne en situation de handicap qui a la capacité de marcher, même péniblement, même douloureusement, peut se garer sur n’importe quelle place de parking si elle possède une voiture de taille normale. Et si l’on ne considère que l’aspect pratique de la chose. Or moi, avec le fauteuil, que je sois malade ou en pleine forme, que je souffre ou que je déborde d’énergie, j’ai BESOIN d’une largeur conséquente à côté de ma voiture pour décharger mon destrier.
Vous comprenez donc bien qu’en aucun cas je ne remets en cause la légitimité de qui que ce soit à se servir de la carte de stationnement handi. Je m’efforce de vous rappeler que si pour certaines personnes elle peut être un soulagement, elle est pour moi plus que ça : une nécessité.
S’il n’y a pas de place de parking adaptée, tant que vous pouvez vous tenir debout et faire quelques pas, cela signifie que vous pouvez quand même vous garer et sortir de votre véhicule. Moi s’il n’y a pas de place de parking adaptée, je suis forcée de passer mon chemin. Et ça n’est pas normal, réel ou pas réel ? Réel. Bien sûr.
Donc une bonne fois pour toutes, si vous avez la carte mais qu’il n’y a qu’une seule et unique place handi, pensez aux personnes qui sont en fauteuil et autant que possible, essayez de vous garer ailleurs : c’est une solution plus facile pour les « debout » que pour les « assis » 😉