Le fait d’être en fauteuil m’a obligé et m’oblige encore à renoncer. Souvent. À beaucoup de choses. Dont certaines auxquelles je ne m’attendais pas, même après douze ans de handicap.
D’un vécu est né le projet
Déjà il faut savoir qu’enfant j’ai beaucoup déménagé. J’ai vu mes parents nous installer dans des maisons et les refaire à leur sauce, quand ce n’était pas carrément finir de les rendre habitables. J’ai participé à des poses de papier peints, des ponçages de murs et des vernissages de volets dès mon plus jeune âge, et j’aimais bien ça.
Aujourd’hui, Marcel et moi voudrions faire construire notre propre maison, un projet bien différent pour lequel je n’étais pas convaincue au début. Mais c’est un projet dans lequel Marcel a toujours voulu se lancer, suivant l’exemple de ses propres parents. Et, finalement, la construction apporte la meilleure solution pour avoir une maison adaptée à 100%.
Nous nous sommes donc mis en quête du terrain idéal, dans un quartier idéal, pour notre chez-nous idéal. Nous sommes ainsi tombés sur une opportunité assez folle qui, si je n’avais pas été en fauteuil, ne nous aurait demandé que peu de temps de réflexion pour décider de la saisir.
Mais je suis en fauteuil.
Donc, nous l’avons déclinée. Et lui comme moi, ça nous frustre, parce qu’elle répondait à la fois aux envies de l’un et de l’autre.
D’une situation est née la déception
C’était une maison avec un terrain immense, située dans un petit coin calme, à la fois proche de la nature et proche de la ville. L’idée aurait été d’acheter le tout, de découper le terrain en deux et de ne garder que la partie vide. Le souci est que ladite maison ne vaudrait rien à la revente telle quelle, si tant est qu’elle se revende. Des années soixante-dix, elle a été entretenue mais comporte tous les inconvénients de son époque. L’électricité, l’isolation, la déco, tout est « dans son jus » comme on dit. Imaginez le bidet de salle de bain, la cuisinière à bois, les papiers peints à fleurs, la moquette au sol ET au mur, etc.
Maintenant, au-delà de ça, elle a un potentiel extraordinaire : elle est vaste, lumineuse et les pièces sont bien agencées. Il « suffirait » de refaire toute l’isolation et l’électricité, changer les fenêtres, enlever les revêtements muraux pour repeindre avec des couleurs neutres, refaire la cuisine, et elle prendrait une valeur considérable. Elle aurait été plus accessible, on aurait même pu y habiter le temps que l’autre soit construite. Ça aurait été une belle aventure, vraiment.
Seulement, faire de la rénovation quand on est en situation de handicap, ça n’est sûrement pas impossible, mais quand même. Côté rapidité, efficacité ou même capacités, on repassera. Je me serais sentie inutile et je l’aurais mal vécu.
Je ne pourrai jamais faire ce que j’ai vu mes parents faire si souvent. Rénover une maison à leur goût en passant leurs week-ends à bricoler dedans. Moi il faudrait que je le fasse faire, ce qui serait à la fois bien plus coûteux… et bien moins drôle !
Déçus mais résignés, nous nous sommes donc remis à nos recherches.