Par besoin de prouver que j’étais aussi capable en fauteuil que lorsque j’étais valide, j’ai lutté parfois jusqu’à l’épuisement en rééducation pour reconquérir mon corps et mon indépendance.
J’ai appris à m’adapter, à trouver des astuces et à développer des stratagèmes pour être dans la capacité de faire le plus de choses possibles seule. Parce que c’est que je voulais.
Pour autant, lorsque je lis « Tout est possible » ou « Quand on veut, on peut », je ne peux m’empêcher de penser très très fort « Oui, mais… ».
Je suis d’accord pour dire qu’être en fauteuil ne nous empêche pas d’être hyperactifs et de tester tout un tas de chouettes expériences, sports, voyages…
Il y a quand même deux nuances à apporter à ce discours. Deux nuances qui à mon sens sont très loin d’être négligeables.
De un, être en fauteuil ok, mais pourquoi et quel fauteuil ?
Une personne qui à l’instar de ma situation, bénéficie d’une fonctionnalité de ses muscles suffisants pour se déplacer en fauteuil manuel actif et être autonome au quotidien pourra effectivement réaliser bien des folies. En revanche, si le handicap est plus lourd, s’il implique une aide extérieure à la vie de tous les jours, déjà les données ne sont pas les mêmes. Ajoutons à cela que certains ne se déplacent qu’en fauteuil électrique, ou avec tout autre matériel d’ailleurs, et ce sont de nombreuses portes qui se ferment.
Quant au pourquoi, dois-je rappeler qu’être en fauteuil n’est pas toujours la conséquence de « casse physique. » Si nous prenons en compte les handicaps invisibles apportés par l’atteinte de certaines terminaisons nerveuses ou par des maladies (Sclérose en plaques, Syndrome d’Ehlers-Danlos, fibromyalgie…), nous avons un joli panel de freins aux loisirs et sports en tous genres. Parmi eux, les douleurs, les démangeaisons, la fatigue, les faiblesses cardiaques ou pulmonaires, j’en passe et des meilleures.
Alors est-ce qu’avec des douleurs ou une fatigue facile on peut vraiment tout faire uniquement en se disant que c’est possible ? Est-ce qu’avec un respirateur ou un fauteuil qui pèse quatre-vingts kilos on peut aller partout parce qu’il suffit de le vouloir ? Je vous laisse répondre logiquement à cela.
De deux, être en fauteuil ok, mais seul vraiment ?
C’est vrai, sans douleurs (ou peu), avec des capacités suffisantes et un fauteuil manuel dit « actif » (léger et maniable) on peut faire tout un tas de choses. Je fais tout un tas de choses. Mais voyez déjà que les conditions ne sont pas moindres ! Même en les remplissant, j’ai parfaitement conscience que la moitié de ce que j’ai fait ces quatre dernières années n’auraient pas été possibles si je n’avais été (bien) accompagnée. Les amis, encore et toujours, et les professionnels (entre autres). Le kayak, l’aviron, le vol en soufflerie, l’avion, l’ULM, le quad, le jet ski, la plongée… ou ne serait-ce que me baigner d’ailleurs : aller à la piscine ou profiter de la mer. Elles ont été des expériences extraordinaires parce qu’à chaque fois il y avait des personnes pour me porter, m’installer, me tenir, porter mes affaires, me ramener le fauteuil. Je me vois très mal sortir de l’eau et ramper sur le sable ou les cailloux pour retrouver le destrier qui me sert de jambes.
Quand j’y pense, à part la vie quotidienne, la voiture et les voyages en ville, il y a assez peu d’activités desquelles je pourrais profiter à cent pour cent en étant complètement seule. Bon cela dit ça représente déjà beaucoup, et ça inclus tous les lieux accessibles allant du musée au parc en passant par le cinéma, les festivals en tous genres, zoos, salons, salles de spectacles, etcétéra. J’ai le temps d’écouler quelques années de découvertes avant d’en arriver en bout !
Entre vous et nous…
Il est ainsi effectivement possible de faire tout ce que l’on veut tant que notre état médical/physique nous le permet et… avec du renfort ! Si nous prenons l’exemple de Philippe Croizon et de ses incroyables succès, c’était toujours à l’aide d’une belle et grande équipe (traversée de la Manche à la nage avec de prothèses, course du Paris-Dakar en voiture adaptée…) ça tombe bien, vous savez ce qu’on dit non ? « Plus on est de fous, plus on rit ! »
Et malgré tout, je finirai là-dessus : que ce soit possible ou non, il faut de toute façon imaginer que non seulement ça nous prendra plus d’énergie que n’importe qui, mais très souvent plus de temps également ! Et ça, c’est la partie volonté du « quand on veut on peut » : nous on a intérêt à le vouloir très très fort. Notre zone de confort n’a pas une capacité d’extension aussi grande que la vôtre (et oui).